Byron & Cass - Coffee & Art

Byron &
Cass

Prendre les commandes – servir – sourire – encaisser – prendre les commandes – Servir … enfin bon, vous avez compris le topo, une routine monotone qui s'installe pour quelques billets verts chaque fois que Cass enfile sa tenue d'un bleu délavé avec une ceinture rose pastel. Le sourire qui ne doit jamais quitter ses lèvres et son visage de poupée de porcelaine se fait hésitant souvent devant les blagues salaces de certaines clients, il disparaît complètement face aux hipster arrogants qui pensent que c'est cool d'avoir l'air pauvre sans vraiment l'être. Le luxe des riches, de pouvoir jouer à la misère sans jamais en ressentir les affres. Mais Cass elle connaît, la faim, le manque d'affection, les fins de mois galère et tous les petites astuces pour se dépêtrer d'un monde qui favorise les uns au détriment des autres. Arbitrairement parfois.

C'est dans la remise que son réel visage apparaît, à l’abri des regards indiscrets des collègues, du patron, des clients, en coupant un cheesecake préparé la veille avec amour, en récupérant des sachets de ketchup, de sel, de poivre. Ces quelques secondes – parfois minutes – salvatrices où le masque peut laisser place au vrai visage de l'américaine, le visage dur d'une jeune femme qui est parfois encore une gamine, mais que la vie n'a pas toujours gâté. Oh, elle ne se plaint pas trop Cass, elle qui a toujours eu un toit sur sa tête même quand celui-ci était bien vide et silencieux ; elle qui a toujours pu trouver du réconfort même si cela ne venait jamais de ses parents. Elle n'est pas née dans un pays en proie à la guerre, à la misère, à la famine, obligée de survivre pour avoir ne serait-ce qu'une minime chance de vivre. Et puis ce n'est tout simplement pas dans son caractère de se morfondre sur une vie plus dorée. Ce n'est pas dans son tempérament de rêver.

Lorsqu'elle revient de ce semblant de pause qui n'en pas une, Cass aperçoit un visage qui devient de plus en plus familier. Elle se dit que c'est sans doute la quatrième fois qu'elle voit cet homme en moins d'un mois, toujours les mains en train d'écrire – quoi ? Elle ne sait pas – mais la curiosité est piquée. Il n'a pas encore voulu lui révéler ce qu'il écrivait, et ce n'est pas faute d'avoir essayé. Doucement, sans le brusquer, sans passer pour une malpolie qui ne sait pas respecter les jardins secrets des clients. Byron, c'est son prénom. Cass se souvient toujours des prénoms des personnes qui viennent et reviennent et reviennent encore. Ca fait partie du métier, et puis son prénom à lui n'est pas facile à oublier ! Mais aujourd'hui, elle saura, elle espère qu'elle saura. Après tout, la petite serveuse vient lui parler à chaque fois qu'il vient, une fois, alors qu'il était resté jusqu'à la fermeture, ils ont même discuter pendant une bonne petite heure – l'absence de clients aidant. Ils n'en savent pas beaucoup l'un sur l'autre, ne sont que des connaissent qui apprennent, se découvrent, lentement, doucement, comme des animaux sauvages qui n'ont pas trop l'habitude de parler et de s'ouvrir, bien plus habitués à se cacher, à attendre patiemment le départ des autres. Cass est comme ça en tous cas. Mais cette fois – parce qu'il faut bien le servir d'une part, et qu'elle veut savoir ce qui l'absorbe autant à chaque fois d'autre part – Cass s'approche et fait la conversation. Sans le brusquer, sans le forcer.  « Salut Byron, qu'est-ce que ce sera pour toi aujourd'hui ? » Elle se permet la familiarité, le vouvoiement sonne bien trop pète-sec à son goût. « Toujours perdu dans tes mots à ce que je vois ! » Une allusion, elle n'a toujours pas réussi à lui faire cracher le morceau, alors un sourcil se lève délicatement tandis qu'un sourire sincère détend ses traits. Une main sur la hanche et l'autre tenant fermement le plateau contre les côtes. Cass saura tout aujourd'hui, ou demain, ou la prochaine fois. La jeune femme n'est pas du genre à désespérer de toute façon !