jace | there's nothing cupcakes and coffee can't solve (or so they say)

Jace n’arrive pas à se rappeler de la dernière fois où il a couché avec quelqu’un sans que cela soit un coup d’un soir, rien de plus qu’un besoin à assouvir ensemble. Emma elle-même était dans cette catégorie, avant que tout dérape. Rien de plus qu’une relation sous les draps sans lendemain, utiliser le corps de l’autre sans penser à autre chose. Le désir charnel, il connaît bien mais – cette différence, entre baiser et faire l’amour, cela lui ait toujours passé au-dessus. Il n’a jamais vraiment compris l’intérêt – être en couple, avoir quelqu’un, ce genre de trucs n’a jamais été pour lui. Ce mariage était donc une blague depuis le départ, pour ce célibataire endurci.

Mais maintenant, les chevilles d’Emma croisées dans son dos, les mains de Jace la caressant, ses lèvres à quelques centimètres de sa peau. C’est bien plus qu’un besoin, bien plus que quelques minutes à s’amuser. Un jeu, certes, mais différent. Supérieur. Ce qui devrait l’effrayer, cependant, lui passe carrément au-dessus pour l’instant. Plus tard, il verra tout cela plus tard, quand son sang sera de retour dans son cerveau plutôt que dans une partie plus basse de son anatomie. « Different kind of talking then ? » ne peut-il s’empêcher de murmurer, toujours pour la défier, pour avoir le dernier mot. Son nez caresse la joue d’Emma, l’espace d’un instant, alors que ses épaules se tendent douloureusement. Il est à deux doigts de trembler, comme un adolescent qui manque d’endurance. Pathétique. Il ferme les yeux, essayant de ne pas laisser ses désirs prendre le dessus. Il serait tellement plus simple de se débarrasser de leurs vêtements rapidement, d’en venir aux faits. Plus simple, mais moins amusant. Il veut qu’ils profitent tous deux de ce moments – qu’elle s’en rappelle, les souvenirs imprimés dans son esprit jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus penser à rien d’autre.

« Teasing is the best part, » répond-il doucement, alors que ses mains remontent lentement, des hanches d’Emma jusqu’à ses côtes, pour s’arrêter lorsqu’il sent le bas de son soutien-gorge sous ses doigts. Il a eu droit à un aperçu de sa lingerie, abandonné dans la salle de bain, oublié dans la machine à laver, et son esprit a toujours essayé de recoller les morceaux pour lui. D’imaginer ce à quoi elle ressemble, avec ce petit truc noir, cette dentelle blanche. De quoi le tenir éveillé, de quoi nourrir ses fantasmes. « What are you into, Em ? » lui demande-t-il soudainement, bouche contre son oreille. « Tell me how to make you feel good. »

Depuis des années, sa vie toute entière ─ sa liberté et sa sécurité en tête de liste ─ reposait sur sa capacité à garder son sang-froid, à analyser objectivement la situation pour mieux gérer les emmerdes qui pouvaient surgir. Avec Jace, Emma avait perdu le contrôle et ce, bien avant de se retrouver collée contre lui dans cette cuisine. Dans le fond, elle savait très bien qu'elle l'avait bien cherché, qu'elle était certainement aller à la rencontre des ennuis, peut-être même en avait-elle été à l'origine. C'était douloureux à admettre, évidemment, mais fort probable aussi. On désirait toujours ce qu'on ne pouvait pas obtenir et Emma n'était rien sinon faible face à ses désirs, même les plus inavouables, aussi bien au boulot que dans sa vie privée manifestement. Il y avait certaines choses qu'elle s'était promis d'essayer, d'autres qu'elle avait voulu à tout prix réussir, d'autres encore auxquelles elle n'avait jamais vraiment osé songer. Partager la vie de quelqu'un, par exemple, vivre plus que des aventures sans avenir, des passades sans intérêt. Il y avait eu Monty, bien sûr, mais Monty n'était même pas vraiment une exception. Il y avait eu quelques parenthèses, jolies et stimulantes, puis il y avait eu Vegas, l'erreur monumentale. Et, fébrile, perchée sur ce comptoir, plus proche de Jace qu'elle ne se souvenait l'avoir été, Emma n'était finalement plus si certaine de regretter ce mariage. C'était certainement la solitude qui sournoisement semait le doute, la frustration aussi ─ mais il était là, dans un coin de sa tête, suffisamment dérangeant pour la rendre soudain muette, assez perturbant pour qu'elle s'abandonne sans réfléchir aux lentes caresses de Jace. Elle ferma les yeux un instant, osant à peine respirer, de peur qu'une trop grande inspiration ne les ramène tous les deux à la réalité ─ surtout elle. Sa voix, toute proche, lui arracha un frisson et elle se tourna vers lui, si proche qu'elle aurait pu compter les tâches de rousseur sur sa joue. « Tell me that you want me » Oh, well. Il avait posé la question après tout. Ce n'était certainement pas ce qu'elle aurait dû répondre mais c'était la première chose qui lui avait traversé l'esprit. « Close your eyes, pretend I'm someone else, I don't know, don't really care either, just... make it believable, ok? » Pitoyable, vraiment. « And, you know, reprit-elle d'une voix nettement plus assurée, plus enjouée, oh so fake, feel free to fucking touch me for real whenever you want. Anytime now would be lovely » Elle conclut le tout d'un coup de rein enthousiaste, comme si une simple friction pouvait faire oublier à Jace sa pathétique requête.

La réponse d’Emma le prend par surprise, évidemment. Un petit « What ? » plus que confus du bout des lèvres, alors qu’il relève la tête pour croiser à nouveau son regard. Il fronce les sourcils alors qu’elle continue avec ses explications qui n’en sont pas vraiment et qui n’arrivent qu’à le perdre un peu plus. Il est certain qu’il devrait être affronté par ce qu’elle raconte, mais il n’a pas les idées au bon endroit pour ce genre d’émotions, maintenant. Il commence avec un « What does you even m… » qui se termine en un gémissement pas très distingué lorsqu’elle ajoute un coup de reins bien placé, comme pour le distraire.

Mais Jace n’est pas forcément dupe, pas lorsque leur dispute-devenue-confessions lui revient en tête. Elle n’avait pas donné beaucoup de détails, pas plus que le minimum pour à peine effleurer le sujet, mais Jace connaît ce genre de choses. L’impression de ne jamais être que le deuxième (ou troisième, ou…) choix, d’être mis de côté, de ne pas valoir tant que cela. Il ne connaît ces sentiments que trop bien, depuis l’enfance, depuis la brillance d’Ariane et le dédain de son père. Le genre de traumatisme qui créé des insécurités bien ancrées dans votre esprit, impossible à démordre.

Il hésite, l’espace d’un instant à peine, avant que ses mains n’abandonnent les cuisses d’Emma pour venir encadrer son visage. Pouces effleurant ses joues alors qu’il se penche vers elle, appuie son front contre le sien. « Stop talking about other people, » murmure-t-il doucement. « I don’t care about other people. Right now, it’s you and me, okay ? Only you. » Ses lèvres viennent effleurer celles d’Emma, lentement, délicatement. Et c’est uniquement parce qu’elle doit penser qu’il raconte des conneries, qu’il lui dit uniquement ce qu’elle veut entendre, qu’il ajoute, « It’s only been you since Vegas, Em. »

Ce qui avait été entièrement pragmatique au premier abord – mieux valait ne pas coucher à droite à gauche si elle décidait d’utiliser cela contre lui lorsque viendrait finalement le temps de divorcer – s’était doucement transformé en autre chose. Plus débile, beaucoup moins logique. Mais Jace a arrêté d’utiliser toute logique lorsqu’Emma fait partie de l’équation finale. Ce qui explique sans doute pourquoi il ne lui laisse pas vraiment le temps de réagir à sa confession et se contente donc de l’embrasser juste après, ce putain de baiser qu’il n’a que trop attendu pendant de trop longues semaines.

Le peu de contrôle qu'elle avait eu jusque-là sur la situation venait clairement de s'envoler par la fenêtre en lui riant au nez. Et Emma n'aimait pas ça, elle n'aimait pas ça du tout. C'était déstabilisant, terrifiant, et l'idée de fuir le plus loin possible prenait petit à petit des airs de projet concret dans sa tête. Déguerpir, se terrer dans un coin sombre et se faire oublier quelques temps, juste assez longtemps pour être oubliée, pour que la justice américaine trouve toute seule une solution à l'épineux problème qu'Emma s'était créée ─ et qu'elle cultivait avec stupidité. Elle ne se confiait pas d'ordinaire, avait le plus grand mal du monde à s'ouvrir aux autres, même à son entourage relativement restreint. Hell, elle n'était pas certaine de pouvoir se souvenir de la dernière confidence un tant soit peu délicate qu'elle ait offerte à quelqu'un ─ Monty ne comptait plus vraiment à ce stade et Gail devinait généralement tout en quelques secondes. Et voilà qu'elle osait faire tomber les masques devant ce type qu'elle connaissait à peine, qu'elle prenait grand plaisir à tenir à distance par tous les moyens possibles et imaginables, le sarcasme et la rancune en tête de file. C'était la fatigue, l'alcool aussi, la solitude et les tensions qui n'en finissaient pas, c'était un instant de faiblesse, une erreur de jugement, c'était tout ça sans vraiment l'être. Il était bien plus facile, après tout, de se trouver une foule d'excuses plus hypocrites les unes que les autres plutôt que d'admettre qu'il avait pu se passer quelque chose de vaguement réel à moment donné avec Jace ─ que c'était totalement en train de se produire à nouveau.

Elle faillit fuir devant sa surprise, voulut profiter de son hésitation pour s'éloigner en courant de cet aveu qui résonnait encore dans ses oreilles. Ne pas lui laisser le temps de réagir et ranger sous clé ce moment d'égarement dans un coin de sa tête pour ne plus jamais, jamais, jamais y songer à nouveau. Mai, évidemment, c'était trop en attendre de Jace que d'imaginer qu'il puisse une fois, une seule fois, lui faciliter la tâche. Éclater de rire, se moquer ouvertement, lui offrir un air dédaigneux, la repousser, tout aurait été acceptable ─ vexant, certes, mais facile à gérer. Tout, excepté cet élan de douceur dont il l'entourait soudain. Soutenir son regard était plus compliqué qu'elle n'aurait pu l'imaginer et elle trouva dans son semblant de baiser, si bref qu'elle pensa une seconde l'imaginer, l'excuse parfaite pour fermer les yeux. Sa voix était bien là pourtant, ses mains aussi, contre ses joues, la maintenant dans la réalité plus sûrement qu'elle ne l'aurait cru. Et le pire dans tout ça, c'est qu'Emma ne parvenait même pas à mettre en doute ce qu'elle entendait. Est-ce qu'elle avait envie d'y croire ? Sans doute, oui ─ certainement même ─ et elle se fichait bien des conséquences, pour l'instant du moins. Plus tard, la réflexion et les regrets, plus tard, la lucidité.

Si leur premier baiser avait de vagues airs d'hallucinations, leur second, lui, était bien réel, plus parlant, aussi, que toutes les déclarations que Jace aurait pu faire ─ pourrait faire, si Emma se laissait avoir à nouveau, un risque qu'elle était curieusement disposée à courir, surtout s'il avait l'intention de l'embrasser à nouveau comme ça. « I think we should go to your room » lâcha-t-elle, le souffle court, retenant tant bien que mal une stupide envie de sourire qui chatouillait sa bouche. Elle n'était pas sûre de comprendre, ni de vouloir comprendre d'ailleurs, et avait bien plus intéressant et plus urgent à gérer. « Yes, let's, let's go to your room. Please? » Please. Le mot lui échappa mais elle était bien trop perturbée par toute cette situation pour s'en soucier. Finalement, et non sans mal, elle s'arracha aux mains de Jace, le repoussant juste assez pour retrouver le sol, un index tout de même accroché à l'un des passants de sa ceinture par sécurité. La fuite, Emma connaissait. Savait que chaque instant d'inattention pouvait se transformer en opportunité et aussi tordus et débordants d'incompréhension qu'avaient pu être leurs échanges jusqu'à présent, ce n'était clairement pas le message qu'elle voulait envoyer. Lui laisser une porte de sortie, peut-être ─ ou, plutôt, se donner l'impression que c'était ce qu'elle faisait, même si elle n'était plus aux commandes depuis un moment. « So? » souffla-t-elle, tâchant, en vain, de sembler aussi décontractée que possible. Question de fierté, de sécurité aussi. Pas question d'admettre que Jace avait plus d'effet sur elle que n'importe quelle personne avec laquelle elle avait partagé un peu d'intimité ces derniers années. Pas tout de suite du moins.