need help to salsa ― Ricardo

Ricardo est le meilleur ami d'Alej. Au début de sa relation avec le brun, Nathan était persuadé qu'Alejandro finirait par le quitter pour Ricardo, avec lequel il partageait de toute évidence de nombreux points communs, à commencer par le pays d'origine et l'histoire de vie - mais finalement, avec les années, il a fini par se faire à l'idée que la relation entre Alejandro et Ricardo n'était emprunte que d'une amitié pure et tranquille, et que lui, il était le mari qui ne finirait pas tromper. Malgré tout, Nathan ne serait pas complètement objectif s'il prétendait ne pas ressentir une pointe de jalousie vis-à-vis de Ricardo. Cette jalousie étant notamment liée à tout ce que partagent Rico & Alej. A commencer par la langue - ce foutu espagnol que Nate ne parvient pas à apprendre, même conseillé par Vera.

Cela dit, cet après-midi, alors qu'Alej n'est pas là, Nate a décidé de remballer ses angoisses. Il a besoin d'aide, pour un projet tout particulier qui lui tient à coeur depuis quelques semaines.

Nathan aime danser. Il a été élevé dans une famille qui partageait l'amour de la danse, et notamment de la danse de couple - et il a donc appris très jeune à danser le rock, la valse et même le tango, sa mère et sa soeur constituant de très bonnes partenaires pour les soirées familiales ou les fêtes d'anniversaire. Seulement, Nate n'a jamais appris à danser la Salsa, qui est la danse qu'affectionne Alej, et il n'a donc jamais trop l'occasion de faire danser son mari, ce qu'il regrette profondément. Et c'est la raison pour laquelle il enfonce son doigt sur le bouton de la sonnette de la maison de Ricardo - une bouteille de vin à la main parce qu'il n'y connait rien en téquila de qualité et qu'il n'a pas eu envie de faire une bourde.

Quand le meilleur ami d'Alej apparait enfin dans l'encadrement de la porte, Nate prend une inspiration difficile, un peu embarrassé. Il aurait pu prendre des leçons avec un prof, mais les horaires ne conviennent pas à son rythme professionnel compliqué.

- Bonjour Ricardo, j'espère que je ne te dérange pas, il lance en lui tendant la bouteille de vin en même temps qu'un sourire. Je... suis venu te demander une faveur, il explique en se mordant un peu la lèvre.

Lorsque la sonnette de sa maison retentit, assourdissante dans la pièce silencieuse dont il fixe le mur depuis vingt minutes avec une tequila à la main, en boule dans son canapé, Ricardo est loin de se douter que son visiteur mystère n’est autre que le mari de son meilleur ami. Il sursaute d’abord, puis soupire un peu. Sebastian a disparu dans la nature bien que le mexicain se rappelle vaguement qu’il lui ait annoncé avoir pris un jour de congé, ce dernier ne répond pas au téléphone non plus, et il ne peut s’empêcher de penser que, peut-être, le rouquin ait décidé de le fuir. Ou de changer ses plans sans le prévenir. Et Ricardo, agacé et un peu triste de ce manque de communication certain qui régit son couple depuis plusieurs mois en ne faisant qu’empirer – le menant même à tromper son mari, vous n’êtes pas sans le savoir -, n’a pas vraiment envie d’ouvrir la porte.

Non, il a surtout envie de broyer du noir en remettant tous les problèmes du monde sur son petit dos fragile. Une bonne manière de cultiver son pessimisme et sa capacité hors normes à dramatiser les moindres petits soucis tout en s’auto flagellant avec passion et détermination.

Il se lève cependant, se traînant contre son gré à la porte d’entrée… et ne peut cacher sa surprise lorsqu’il découvre Nathan, bouteille de vin à la main et l’air plus que gêné. Rico n’est pas sans savoir que ce n’est pas l’amour fou entre eux, notamment parce qu’il cultive une relation, il faut le dire, étouffante avec Alejandro. Une relation tout à fait saine, les deux se connaissant environ depuis toujours, ayant même partagé le même toit durant plusieurs années, mais Ricardo est tout à fait en mesure de comprendre que leur proximité puisse être déconcertante. Surtout pour leurs conjoints respectifs, qu’ils ont gentiment envoyés paître en leur proposant – sans leur laisser de véritable choix - de faire avec sans essayer d’en discuter.

- Nathan, il réplique sans cacher sa surprise. Si je m’y attendais…

Il offre un réel sourire à l’avocat, le remerciant pour la bouteille de vin tout en s’écartant pour le laisser entrer. Rico l’accompagne jusqu’au salon, avec bien des difficultés pour ne pas laisser transparaître sa curiosité alors qu’il réalise tout l’insolite de cette scène.

- Une faveur, mmh ? Dis m’en plus ! Et assieds-toi, fais comme chez toi. L’anniversaire d’Alej n’est pas pour tout de suite, pourtant… Enfin, bref ! Dis-moi tout ! Ah, et je peux te servir quelque chose ? Margarita ? Enfin…, se rattrape-t-il en cachant soudainement le shot de tequila laissé sur la table, il est peut-être tôt, pour… ahem. Bref, dis-moi.

Ricardo a toujours eu une fâcheuse tendance à s’étaler. Et à parler trop. Trop fort, aussi. Et sa nervosité certaine n’arrange pas son cas. Il se force alors à rester tranquille pour quelques secondes et feint de se coudre la bouche comme on le fait aux enfants. Sacré bougre…

Nate n'aurait jamais pensé qu'il viendrait un jour ici quémander l'aide de Ricardo. Il ne peut pas dire que les deux hommes soient proches, même si Ric a une place considérable dans la vie d'Alej. Sans savoir pourquoi, Ricardo fait ressortir les plus vives insécurités de Nathan - sans doute parce qu'il représente la stabilité à laquelle son mari pourrait aspirer tranquillement au Mexique. Et les inquiétudes latentes d'Alej n'arrangent rien au sentiment vif d'insécurité qui envahit Nate à chaque fois qu'il repense aux dernières conversations qu'il a eues avec son mari.

― J'espère que je ne te dérange pas, dit-il d'abord, poliment, en s'armant d'un sourire.

Les deux hommes sont assez opposés. Ricardo est aussi extraverti que Nate peut être introverti, aussi bavard que l'avocat est avare de mots - sauf quand il s'agit de plaider une cause, et que ses mots sont minutieusement choisis, ce qui arrive plus souvent qu'il ne le souhaiterait ces derniers temps.

― En fait, même si l'anniversaire d'Alej n'est pas pour tout de suite, c'est en quelque sort pour ça que je suis venu te voir. Je voudrais lui organiser quelque chose, une petite fête avec la famille et les amis disponibles - je ne sais pas encore qui - et il faudra sans doute l'occuper pendant la journée, mais ce n'est pas ce qui m'amène, on a le temps d'y penser...

Il tousse un peu et décline le cocktail d'un geste de la main.

― Juste de l'eau, merci.

Pas besoin d'ajouter de l'alcool à cet instant qui promet déjà d'être surprenant - et gênant, sans aucun doute.

― Voilà... J'aime danser. Et Alej aussi - mais il aime particulièrement danser la salsa, et moi, je ne connais absolument rien à cette danse...

Il sent le rouge qui lui monte aux joues, et tousse pour tenter de dissimuler son trouble et sa gêne, comme adolescent pris sur le fait d'une bêtise.

― J'aurais aimé que tu m'apprennes... les bases. Pour que je puisse danser avec lui ? C'est ridicule, je sais, mais j'ai pas le temps pour les cours du soir, et comme tu...

Il s'arrête et prend une inspiration profonde qu'il expulse dans un soupir un peu gêné.

― Comme tu maîtrises, je me demandais si tu serais d'accord pour... m'aider.