Throw hat in the ring ◊ Jordan

Elle attrape ses clés du bout de son index et de son pouce, qui se trouvent tout au fond de son sac. Manque d'attention, simple maladresse peut être, Stella essaye de les rattraper, mais elles finissent, sans grande surprise, leur course par terre. Elle marmonne en espagnol avant de se pencher pour les ramasser et enfin rentrer chez elle, bien que pour une courte durée. Elle abandonne ses affaires sur le canapé, rejoint la douche sans avoir la moindre idée des vêtements qu’elle compte porter ensuite. Elle a dit 19h30 à Jordan, un peu de mauvaise foi, à cause de cette invitation qui comportent malgré tout beaucoup d’exigences, et qui la forcent à prendre sur elle, et faire des compromis. Elle n’apprécie pas vraiment la démarche, dans d’autres circonstances, elle se serait contentée d’arrêter de répondre pour passer à autre chose. On est pas dans les autres circonstances, c’est bien ça le problème. Elle trouve qu’elle fait quand même un peu trop d’efforts en acceptant de se pointer jusque Manhattan pour l’arranger, alors que c’est elle qui devrait être en position de force, puisqu’il cherche à la recruter pour son clip. C’est plutôt l’inverse qu’elle ressent, l’impression de devoir faire ses preuves à chaque seconde, pour ne surtout pas laisser passer l’opportunité et laisser passer le moindre des caprices. Et surtout, surtout, ne pas en faire. Elle choisit une robe fleurie et estivale, après tout c’est encore l’été. Peut être pas le plus approprié pour un rendez vous censé être pro. Elle jette un coup d’oeil rapide à sa penderie, qui est loin de déborder de toute façon. Ok, ça fera l’affaire quand même.

Elle vérifie l’adresse de l’endroit où elle doit rencontrer Fisher en prenant garde à ne pas glisser dans les escaliers, après tout ses jambes, c’est un peu son outil de travail. Elle le sait, elle va être à la bourre. Très vite, Stella prend la décision de ne pas prévenir Jordan, comme une petite vengeance, parce qu’il est entrain de la faire mijoter et courir dans tous les sens. Bien qu’il l’ignore. C’est dans les transports qu’elle trouve le temps d’ôter ses baskets confortables, pour des sandales à talons un peu plus sexy. Cela lui donne par la même occasion un peu moins un air de demi-portion. Elle ne galère pas trop pour trouver le lounge, (elle a checké sur internet, en captant la wifi au boulot) il est sur l’artère principale, pratiquement à côté du métro. Pressée par le temps, elle ne s’attend pas que le type qui ne doit être nul autre que le videur, l’empêche de franchir la porte. “Il y a un gars qui m’attend à l’intérieur.” Tout de suite agacée que ce connard pense qu’elle n’a pas sa place ici, parce que c’est sooo huppé sorry, not sorry, elle ne pense pas vraiment aux bonnes manières. Elle donne un coup de main dans ses cheveux, qui retombent en cascade sur ses épaules. “C’est sûr qu’il y a plus accueillant comme façon de faire.” crache t-elle, bien qu’elle sache qu’elle risque d’aggraver son cas. Pour elle à présent, c’est indirectement de la faute de Jordan. “Et alors, tu peux pas aller voir s’il y a un Jordan Fisher à l’intérieur, puisque je ne peux pas aller voir moi-même ?” De nouvelles insultes en espagnol lui montent au nez.

T’as une journée pas mal remplie aujourd’hui avec le boulot. Sans parler de ce repas avec l’équipe management dans la soirée. Un truc complètement inutile mais ils veulent des infos régulière sur l’avancée du projet. Ils veulent savoir la direction que ça prend et au lieu de parler à la principale intéressée c’est toi qu’ils viennent voir. T’es pas là pour brider les artistes, tu donnes juste de ta personne pour faire les meilleures chansons possible à ton sens. T’es presque sûr qu’ils ont un peu peur de ce que tu peux créer comme sons. C’est elle qui a voulu bosser avec toi, les autres n’étaient pas chaud de ce que t’as compris. Les potins. Ca te saoule un peu ça mais c’est comme ça que ça marche apparemment, y’a des bruits ici et là. Heureusement t’es plutôt chill comme mec et pour l’instant le contact s’est bien passé avec tout le monde. Pourvu que ça dure. Y’a pas de raison. Tu veux vraiment venir à bout de cet album, ça va être un gros chapitre de ta vie. Vaut mieux ne pas faire de trop grosses vagues.

Le bar où t’as donné rendez vous à Stella est dans la même rue que le resto où tu dois te rendre après. T’avais envie d’avoir le plus de temps possible avec elle. Un autre jour ça aurait été parfait mais la miss n’était pas disponible, alors t’as fait au mieux avec ton emploi du temps. Ca aura été une journée business complet aujourd’hui. Que du boulot. T’es sûr que vous n’allez pas avoir le temps de sortir de la raison première de votre rencontre aujourd’hui. Tu vas juste profiter de pouvoir l’avoir sous tes yeux un moment, parce que mine de rien, l’avoir rencontré l’autre soir, ça t’a filé pas mal d’inspiration. T’as écrit des bribes de paroles ici et là. Elle t’inspire.

Fringué avec un beau pantalon noir ainsi qu’une chemise foncé, manches longues. Tes tatouages ne sont pas visible et t’es vraiment classe comme ça. T’as fait un effort parce que le resto prévu pour la suite est super chic. Au fond de toi t’aimes vraiment te fringué chic, juste que t’as pas trop l’occasion de le faire. Tu regardes ta montre, installé au bar, attendant qu’elle arrive. Si elle a du retard ça va pas vous donner beaucoup de temps tous les deux. Quelqu’un vient vers toi demandant si tu attends de la compagnie.

« Jordan Fisher ? »

Tu hoches la tête, levant un sourcil. C’est quoi cette histoire, ils font l’appel ici ? Et tu vois ensuite la silhouette de Stella arriver. Elle a l’air passablement énervé et tu te dis qu’elle en est encore plus jolie. Tu lui fais signe et tu t’approches d’un pas et c’est le plus naturellement du monde que tu vas lui faire une petite étreinte d’un bras seulement. Un geste bref, juste histoire de dire bonjour avec un peu de contact.

« Ils t’ont fait chier à l’entrée ? »

Tu roules les yeux.

« Généralement c’est moi qui suit recalé. »

A cause de ton look, de tes tatouages. Sauf que là, rien de tout ça n’est visible, t’es vraiment comme un premier de la classe avec ta belle chemise et ton pantalon. T’as pas poussé le vice à mettre une cravate ou une veste. Non. T’es bien comme ça avec le col légèrement ouvert qui, effectivement, laisse apparaître un petit peu de ton encre.

Elle se met sur la défensive, Stella a l'impression que tous les regards des passants dans la rue sont braqués sur elle, et ça la met encore plus mal à l’aise. Elle veut lâcher l’affaire, rebrousser chemin et insulter le type. Malheureusement, elle n’est plus une ado rebelle dont on excuse le comportement, sous prétexte que justement, elle est une ado rebelle. Finalement, le mec parait faire un geste en sa direction et consent malgré tout à la laisser rentrer à l’intérieur. Le sourire forcé qu la latina lui adresse ne sous entend rien d’autre qu’un bon “connard” qu’elle ne peut pas lui balancer à haute voix. Le lieu est à la fois plein et calme à la fois. Bizarre quand la musique forte l’empêche désormais de suivre correctement le fond de ses pensées. La lumière est tamisée, tourne dans les bleus, et finalement, c’est la silhouette imposante de Jordan qui la trouve en premier. Son coeur fait un léger sursaut dans sa poitrine, sans doute parce qu’elle a longtemps imaginé ce rendez vous, qu’il a enfin lieu et que Fisher est en chair et en os. Elle a eu beau pester intérieurement contre lui, cela lui a laissé pas mal de temps à penser au blond et le voir dans ces fringues, ça fait son effet. Il est charismatique, elle est bien obligé de le concéder, et si elle est présente ce soir pour une raison bien précise, elle se sent plus excitée par la situation qu’elle ne le devrait peut être. En même temps, la perspective d’avoir un vrai contrat en tant que danseuse, ça a de quoi en émoustiller plus d’un. “J’ai du mal à te croire.” dit-elle en guise de salut, presque froidement, toujours sous le coup de l’affront qu’on lui a fait à l’entrée. Il s’approche pendant qu’elle rouspète, pour lui dire bonjour, comme toute personne normale le ferait. Elle note l’odeur de son parfum.

Elle réalise néanmoins que ce n’est pas de sa faute et que ce n’est vraiment pas la meilleure façon de débuter un rendez-vous pro. Il faut qu’elle se reprenne, et genre, rapidement. “Désolée, c’est juste que l’autre là, c’est un sale con. C’est bon, on a bien compris qu’on est pas du même monde, et ça donne pas très envie d’y rentrer quand on voit comment ça lobotomise le cerveau.” Stella parle beaucoup lorsqu’elle est agacée, même si ses réprimandes ne sont pas contre Jordan. “Est-ce que c’est aussi ton cas ?” demande t-elle, dans l’unique but, non pas de lui faire un procès, mais de détendre l’atmosphère.

Ils s’installent, la brune doit bien admettre qu’elle a du mal à se sentir encore totalement à sa place, pourtant, puisqu’elle est ici pour décrocher le rôle de sa vie, ou presque, il faut quand même qu’elle fasse l’effort de se sentir un minimum dans son élément. Elle ne tarde pas à entrer dans le vif du sujet, pour ne pas trop s’attarder sur les effluves de Jordan, qui flottent encore dans l’air. “J’ai pas mal réécouté la chanson, depuis que tu me l’as envoyé.” Elle avait lu de nombreuses fois les paroles aussi pour bien s’en imprégner. Hors de question de révéler qu’elle ne comprend pas toujours tous les mots, et qu’un support lui est plus qu’indispensable dans ce genre de travail. “Enfin j’imagine que tu as plein de choses à me dire sur le sujet de toute façon.” Elle préfère lui ouvrir la voie, lui donner le lead. Une bonne façon de voir où elle met réellement les pieds.

Elle est sèche. De mauvaise humeur. Tu peux comprendre vu la situation. Il n’empêche que tu la trouves décidément encore plus à ton goût comme ça. Ou plutôt, elle l’est déjà intégralement et c’est une facette de sa personnalité que tu n’avais pas encore vu, et qui te plaît. T’es certainement un peu maso au fond ou tout simplement sous le charme. Elle s’excuse, elle jure. Outch. Tu kiffes.

« Je suis passé tranquille aujourd’hui. »

Et tout le monde sait très bien pourquoi. Cette chemise te donne presque l’air d’un enfant de choeur. Presque. Faut pas déconner. Tu vas pour proposer de bouger d’endroit mais quand tu vois qu’elle s’installe tu te dis qu’elle doit pas leur en vouloir tant que ça. Ou peut être que l’endroit lui plaît. En tout cas, vous restez ici et c’est tant mieux. Votre temps ensemble ce soir est compté, il vaut mieux ne pas le gâcher à chercher un autre endroit. Tu t’assois avec elle, l’observant d’un oeil un peu trop appuyé. Elle rentre dans le vif du sujet et tu apprécies ça. Tu hoches la tête à sa phrase. Elle a l’air de prendre ça véritablement au sérieux pour avoir fait passer ta chanson plus d’une fois. Faut qu’elle s’imprègne du son pour en faire sortir quelque chose de bien. Tu te dis qu’elle doit l’apprécier un minimum pour se lancer là dedans. En tout cas tu l’espères. Tu veux un truc qui a une âme, pas juste une choré mécanique. Elle veut que tu lui dises ce que t’as en tête, tu sais ce que tu veux, donc tu lui réponds sans soucis.

« Plein je sais pas, mais je sais que je veux quelqu’un qui ressent vraiment la chanson. »

Tu essaies de lire au travers de ses yeux si c’est son cas.

« Si ça t’inspires qu’à moitié on laisse tomber. Je garde ton nom pour d’autre projets que je peux entendre. »

T’as quand même le bras assez long dans le milieu. Encore plus depuis l’autre soirée que t’as fait chez toi. T’as rencontré plein de gens dans la musique. New York, c’est vraiment the place to be pour ça. Plus le temps passe, plus tu te vois vivre ici. Tu t’y sens bien. Une serveuse arrive et tu passes commande, juste une bière. T’attends que Stella ait fait son choix et que la serveuse soit partie pour reprendre la conversation comme si elle n’avait pas été interrompu.

« Cette chanson me tiens trop à coeur pour bâcler. Je veux que ce soit parfait. »

Tu mets la barre haute mais c’est volontaire. Tu veux un truc sérieux et si elle n’a pas ça en elle, alors qu’elle arrête tout de suite, avant d’avoir commencé quoi que ce soit.

« Tu crois que tu entres dans toutes ces cases ? »

La jeune femme ne se sent pas de tout dans de bonnes dispositions pour débuter ce pseudo entretien. Les jours n’ont pas manqué pour qu’elle y réfléchisse, quitte à être un peu tête en l’air au travail, imaginant la fameuse rencontre qui était en train d’avoir lieu. Elle a même finit par en rêver il y a deux nuits de cela, mais au lieu d’être dans un lounge pompeux comme celui-ci, elle se retrouvait à devoir faire une démonstration devant Jordan et le reste des clients dans un saloon datant des siècles derniers. Autant être honnête : elle ne sait pas ce qu’elle doit faire. Ne pas faire de réelle audition et devoir agir en véritable business woman la perturbe, elle n’est pas sûre d’avoir les mots justes. Parler. C’est bien ça au fond, qui la dérange, son manque de fluidité à l’anglais pourrait tout à fait lui jouer des tours. Comme toujours cependant, son envie est la plus forte.

Les avants bras posés sur la table pendant qu’elle écoute Jordan, Stella reste perplexe. Il lui montre son intérêt, mais tout en laissant sous entendre avec une certaine désinvolture, que si ce n’est pas elle, ce sera une autre. Ce discours ne lui plaît pas. Elle sent tout à coup le plan foireux, celui de perdre son temps avec quelqu’un qui une fois de plus lui fait miroiter de beaux projets, auxquels finalement, elle ne pourra pas accéder. Sans qu’il le sache, ainsi, Jordan en rajoute une couche. Avec ses requêtes qu’il a depuis le début, son temps limité et tout ce qui suit, la latina le trouve de plus en plus inaccessible, mais il ne se rend pas plus intéressant à ses yeux, au contraire. En même temps, son sang cubain se sent piqué au vif. L’homme n’a pas l’air de réaliser la volonté dont elle est capable de faire preuve, comme lorsqu’elle a baragouiné pendant de longues minutes pour que le patron du cabaret dans lequel elle travaille accepte de la voir à l’oeuvre. Peut être qu’elle ne sait pas se vendre de la meilleure des façon, mais Stella est une battante, que l’on puisse mettre en doute ce point de sa personnalité renforce son désir de prouver le contraire. “Un martini rouge.” demande t-elle avec aplomb lorsque la serveuse vient chercher leur commande. Elle sait que Jordan la dévisage, et elle a pour but de lui montrer qu’elle ne doute de rien, même pour réclamer sa boisson. Cela n’empêche pas au garçon d’insister ce à quoi elle hoche vaguement la tête à chaque fois. Etant donné qu’il a touché une corde sensible, elle se sent pousser des ailes. “J’ai pas besoin de croire, pas de problème pour ça. Je le sais, et je pense que je n’ai pas besoin de te préciser que c’est ce qui fait toute la différence.” elle fait de gros efforts pour garder le contrôle sur la tonalité de sa voix, avec un calme plein d’assurance. Elle le regarde droit dans les yeux, lui décoche même un petit sourire pour montrer qu’elle ne bluffe pas, ce qui n’est pas tout à fait vrai. “C’est un peu bizarre pour un type de ce milieu comme toi de vivre une vie sans risque non ?” cherche t-elle même à le provoquer. Ca risque peut être de lui causer des ennuis, en même temps à part retourner à sa petite vie morne de serveuse et danseuse, elle n’a pas grand chose à perdre. Elle essaye de s’y raccrocher. “Quand on part perdant, y’a pas de secrets : on perd.” Stella retrouve peu à peu ses repères ; se chamailler avec les gens, elle sait faire.

On dépose leurs deux verres sur la table. La brune a un hochement de tête en guise de remerciement. Elle prend le temps de lever son verre devant son interlocuteur avant d’en prendre une gorgée. Son coeur bat trop vite, signe du stress montant, mais elle continue de cacher son jeu. C’est bien là tout le but non ? “La question maintenant, c’est de savoir si tu penses avoir une main assez bonne pour parier tous tes jetons sur la table. Du coup autant que tu saches que je ne perds jamais au poker.” Elle espère avoir fait mouche, montrer qu’elle n’est pas facilement impressionnable, même si elle n’en mène pas forcément large.

Elle n’a jamais joué au poker.

Sa réponse se fait pas attendre et les mots qu’elle utilise te conforte dans l’idée que cette fille, c’est la bonne. Tu n’arrives pas à l’enlever de ta tête depuis l’autre soir. Depuis toutes ces suggestions à la faire danser sur ta chanson. Tu t’es fait tout le film dans ta tête et le film était vraiment trop beau pour être vrai. Il était parfait.

Tu soutiens son regard, essayant de ne pas trop la dévorer des yeux parce que ça, c’est plus fort que toi. Cette meuf est beaucoup trop à ton goût pour ton bien. Tu sais que ça joue énormément dans tes attentes envers elle. Si elle est aussi parfaite pour le rôle que ce que tu l’imagines, ton envie d’elle va augmenter de façon exponentielle. Rien de plus beau qu’une personne qui prend son pied sur une chanson qui te tient à coeur. Le pouvoir de la musique chez toi, c’est impressionnant ce que ça peut faire.

Un sourire se lève sur ton visage quand elle te parle de risque. Elle est clairement en train de te provoquer et tu te demandes pourquoi elle part sur cette pente là. Est-ce qu’elle essaie de se dédouaner au cas où elle fait de la merde ? Ca t’en as tout l’air. Tu vas pour répondre mais vos verres arrivent alors tu remercies la serveuse et puis c’est Stella qui a l’air sur le point de trinquer. Elle reprend la parole alors que tu n’as pas encore pu rétorquer à ses précédentes paroles, mais soit. Tout vient à point à qui sait attendre.

« J’ai un bon feeling avec toi. »

Même plus que bon. Le mot est très faible, mais tu ne veux pas la faire paniquer. Tu marques une pause, tes yeux se perdant dans les siens.

« Tu m’inspires. »

Une nouvelle pause.

« Beaucoup. »

Tu ne vas pas lui dire que t’as déjà écrit quelques paroles dans ton téléphone depuis votre rencontre. Des mots qui font échos à votre rencontre à tous les deux. Des mots qui auront leur place dans une futur chanson.

« Alors même si je suis pas des masses rassuré que tu mises tout sur la chance, on va collaborer tous les deux. »

Parce que t’en as besoin. Parce que tu veux voir ce que tu peux sortir de sa présence à tes côtés. Parce que tu ne peux pas ignorer le fait que ton coeur batte plus vite là maintenant.

« Ca te va niveau risques ? »

Tes lèvres se fendent en un sourire. T’étais beaucoup trop intense jusque là. T’as pas franchement envie de lui faire peur. La musique c’est toute ta vie. Tout ça, ça te tient trop à coeur. Que ce soit pour la vidéo ou pour les mots qu’elle t’inspire, y’a toute une route inconnue à fouler avec elle. Est-ce qu’on peut dire qu’elle est ta muse ? Peut être. En tout cas, ça y ressemble pas mal.

Stella réalise peut être un peu tard qu’avec son petit manège, elle n’a qu’une chance sur deux. Elle se retrouve scindée en deux. D’un côté sa volonté de fer de ne pas lâcher le morceau de viande, se battre, jusqu’à remporter bataille, parce que c’est cet état d’esprit qui coule dans ses veines. Quand on a rien au départ, on repart, au pire, avec rien et c’est à cette idée qu’elle se raccroche vainement, et qui la pousse à avoir ce comportement, qui frise l’indécence. De l’autre, l’idée que l’opportunité puisse lui passer sous le nez l’effraie, parce qu’elle a eu assez de temps pour se projeter, se dire que la chance tourne enfin, et que cette fois-ci, c’est pour elle. Elle est totalement balloté dans cet océan d’incertitude, n’arrête pas de boire la tasse et pourtant, elle arrive quand même à nager entre les vagues, pour tenter de rejoindre la rive. Alors qu’elle pense de plus en plus que Jordan va l’envoyer bouler à cause de cette insolence, son regard capte le sien, et elle est presque déroutée, lorsque celui-ci réagit de la dernière façon dont elle l’aurait imaginé. Il se passe quelques instants où ils ne sont plus que tous les deux, figés dans le temps, et même la musique assourdissante ne parvient plus à déconcentrer la latina. “En voilà une nouvelle, qu’elle est bonne.” acquiesce t-elle, parce qu’elle sent que ce n’est surtout pas le moment de flancher. Forcément pourtant, elle sent son égo se gonfler, et cette fois elle commence à l’entrevoir. On a envie de travailler avec elle. Vraiment. Elle sait qu’elle va devoir convaincre jusqu’au bout, mais le sentiment d’oppression qui la porte s’envole peu à peu.

“Jusqu’à maintenant, personne ne s’est encore jamais plaint.” Rassure t-elle. Elle s’enfonce un peu plus, pourtant, elle n’a plu le choix. Elle est la meuf de la situation, il ne peut pas en être autrement. Il ne faut pas qu’il change d’avis. “Au pire, c’est satisfait, ou remboursé.” Elle hausse les épaules, pour prouver que quoi qu’il arrive, elle ne doute pas. “Ca devrait suffire, non ?” Elle-même ne sait pas vraiment ce qu’elle veut sous entendre là dedans, mais elle se dit que Jordan est assez grand pour faire tout seul le travail d’imagination. Son Martini lui paraît plus désaltérant que jamais, Stella se dit que le plus dur est passé, et qu’elle est sur une bonne lancée. Elle poursuit. “Comme je te disais, c’est quelque chose de sobre que j’imagine. Mais pas forcément moins intense. Une scène, une salle, aux couleurs sombres dans l’ensemble, pour vraiment mettre l’accent sur la danse. Tu peux même choisir d’alterner le contemporain et le hip pop car ça contraste beaucoup, ça peut être déroutant. Je vois bien de la terre, du sable, sur le sol. Ca crée du mouvement en plus. En tout cas pour tous les côtés impactant des moments dansés. Je ne sais pas ce que tu veux faire du reste du clip.”

Voilà ce que ça lui inspire, comment elle s’imagine à la place de la danseuse fictive du fameux clip. Elle aime ce qui est vivant. C’est en tout cas ce sentiment qu’elle retrouve lorsqu’elle en parle.

Ses mots ne te rassurent pas vraiment. T’es presque sûr qu’elle n’a jamais fait ce genre de projet avant, ou elle t’en aurait parlé depuis longtemps. Son expérience dans la danse a l’air d’être surtout sur cette scène de cabaret. Tu ne réduis pas ça, non, c’est juste que c’est différent. Personne ne s’est plaint ? Est-ce qu’elle parle des spectateur de son show ? Tu ne vas pas lui dire que la plupart des gens viennent là bas pour mater de la chaire fraîche plus qu’autre chose.

“Au pire, c’est satisfait, ou remboursé.” hein ? T’es pas sûr de la comprendre là. Parce que très clairement si vous passez une journée sur un tournage qui servira pas au final, y’aura de l’argent de perdu. Tu n’y crois pas un mot, elle n’a dit ça juste pour ne pas rester à rien dire. C’est sûr. Si ça devrait te suffire ? T’es franchement pas sûr, mais cette attraction que t’as envers elle te dit que oui. Ca va suffire.

« Je te ferai une facture pour le tournage si jamais ça foire. »

Tu souris en coin en la regardant. Tu n’as pas pu t’empêcher de lui faire une remarque à ce propos. C’est pas gratuit ce genre de plans. Elle ne sait pas que t’es plein aux as depuis que t’as gagné une somme tout à fait colossale - pour toi - au loto. T’as la belle vie et t’en es conscient. C’est quand même pas sans raison que tu dépenses ton fric. T’as des plans dans ton futur plutôt proche, et pour les réaliser, il faut du fric. Tu gaspilles pas. Tu connais la valeur de l’argent.

Elle revient sur ce qu’elle a en tête pour la vidéo. Tu l’écoutes attentivement, buvant ton verre lentement. Tu hoches la tête au mot « sobre » c’est aussi ce que t’as en tête. Elle a des idées sur la danse, hip hop, contemporain, tu sais pas trop si ça va bien se caler sur ton son mais t’es pas contre voir ce que ça peut donner.

« J’ai juste visualisé toi qui danse, tout le long, et ça en noir et blanc. Je te mettrai en contact avec le réalisateur parce que je veux que la danse soit le point central de toute la vidéo. »

Et comme c’est elle qui va la créer, c’est super important qu’ils s’accordent tous les deux. Tu bois une longue gorgée de ton verre et tu regardes l’heure sur ton téléphone que tu viens de sortir de ta poche. T’as un tas de notification sur l’écran mais t’y prête pas attention. T’as encore du temps devant toi avant de devoir filer.

« Je t’enverrai la paperasse dans la semaine prochaine. Fin de semaine prochaine. »

Parce que t’es sûr que ton assistante qui est toujours à San Francisco va mettre un moment avant de se mettre dans ce wagon. Faut dire que c’est nouveau de collaborer directement pour une vidéo à toi. Ca change des chansons que tu fais pour les autres.

« Tu me donneras tes disponibilités pour un futur meeting avec le réal. »

T’as bon espoir qu’une seule rencontre suffira. C’est qu’une vidéo de 4 minutes dont il s’agit.

« Tu me tiens au courant pour la choré, quand tu seras prête à ce niveau là. »

Parce que bien évidemment tu veux voir le résultat dès que possible. Tu continues dans ton petit laïus.

« J’ai pas de contrat sous la main mais je voudrais marquer le coup de manière symbolique en attendant. »

Tu tends la main vers Stella. C’est pas du tout une technique pour la toucher. Pas du tout. Même si oui, tu sais que ça va être le cas et tu préfèrerais pouvoir toucher sa peau avec tes lèvres, mais tu te contenteras de sa main dans la tienne pour un bref instant.

Elle pense capter la boutade à travers cette remarque à peine voilée de Jordan, pourtant, la susceptibilité de Stella ne peut s’empêcher de prendre les mots lancés au premier degré. Elle n’aime pas trop cette réserve, calculée ou non, elle n’arrive toujours pas à pencher d’un côté ou de l’autre, et se sent finalement prise de haut. Elle se sent comme une enfant à qui l’on confie des responsabilités, et dont on attend qu’elle fasse une erreur, comme pour prouver qu’on ne peut pas lui faire confiance. Elle veut montrer à l’homme qu’il fait erreur, et d’un autre côté, elle sent plus que jamais qu’elle n’a pas le droit de se planter. Elle n’a jamais pris de cours autrement que par elle-même et les vieilles cassettes vidéos de sa mère, puis ensuite sur Youtube, et tout à coup, elle-même se met à douter de sa belle assurance - est-ce qu’elle risque d’être percée à jour, envisagée comme une fraudeuse manipulatrice pour obtenir ce qu’elle veut ? Une fois de plus elle est partagée et elle a presque envie de mettre fin à la rencontre pour aller ruminer sous sa couette. Elle n’a peut être pas la meilleure technique, mais elle a l’envie, ça, c’est certain, et ce n’est pas les doutes de Jordan qui pourront le lui enlever.

Au moins, entendre parler du contrat est une bonne chose, qui prouve la bonne volonté de Fisher de faire les choses proprement, et cette façon de faire ne peut être que louable. “J’ai pas mon emploi du temps sous la main, mais oui, je regarderai ça.” confirme t-elle. Pour une fois, elle ne raconte pas de conneries, avoir deux boulots en même temps, ça peut parfois créer la confusion au niveau des horaires. Elle comprend, ou réalise un peu trop tard qu’elle n’aura qu’un support, personne pour la conseiller. Jordan s’attend vraiment à ce qu’elle soit seule aux commandes de cette danse, ce qui est aussi excitant que tout à coup, elle se demande si elle n’a pas visé un peu trop haut. Elle va devoir être pro. Vraiment. Et puisque jamais personne n’a pris la peine de la prendre au sérieux, elle se demande si elle en est simplement capable, si elle en a les moyens. Son regard se dérobe, se perd vers une table un peu plus loin, où un coupe est en train de trinquer, avant de s’embrasser goulument.  Come on, take a room, please. Ok, donc elle n’a d’autre choix que de revenir à ses propres problèmes. “Ouais, après, ça dépend de beaucoup de choses. Mais de toute façon, tu le sauras en temps voulu.” prévint-elle, comme si c’est une bonne façon comme ça, de gagner de temps. As if.

“J’imagine qu’on a un vrai deal, cette fois.” Elle glisse sa main dans la sienne, pour la laisser se faire emprisonner quelques secondes, entre les doigts de Fisher. Une fois de plus, la poigne de Stella se veut pleine d’assurance, parce qu’elle ne veut pas se faire avoir par ce contact plus fort qui englobe sa paume, dont la chaleur se propage jusqu’à l’avant bras. She finally did it.

Elle a l’air d’avoir une vie bien remplie pour tenir un agenda et tu veux bien la croire parce que t’es pareil. T’as tellement de meeting prévu pour le job ou d’autres projets, que si tu notes pas tout consciencieusement dans ton agenda, c’est mort. Sauf que toi, tu l’as sous la main ton agenda. Il est dans ton téléphone. Ce qui n’a pas l’air d’être le cas de la miss, à part si elle n’a juste pas envie de prendre le temps maintenant, mais soit. C’est pas très important. Avant tout c’est surtout la chorégraphie le point central de la vidéo et tu espères qu’elle aura de quoi te montrer avant d’enclencher la seconde partie du chantier, le rendez vous avec le réalisateur. Histoire de voir exactement ce qu’elle a comme vibes avec la chanson. Si c’est complètement à côté de ce que tu t’imagines - bien que tu n’imagines pas grand chose - et bien y’a des chances que ça s’arrête là. Excepté si elle prend bien tes éventuelles remarques et qu’elle change de direction mais bon, vous n’en êtes pas encore là. Elle dit que ça va dépendre de pas mal de trucs et tu hoches la tête. « En temps voulu » ? Tu te demandes combien de temps elle compte mettre pour s’y coller. T’as pas véritablement de deadline pour ce projet. Tu avais dans l’idée de faire une vidéo mais comme t’en as une déjà avec beaucoup de vues, tu ne vois pas ça comme quelque chose d’indispensable. Il y a des puristes qui sont juste fans des clip vidéos et t’as peut être bien envie de gagner ce wagon là avec une réalisation singulière. Qui fera parler.

Tu serres la main de Stella et tu sens qu’elle est ferme. Pas mal. Tu te détaches d’elle et bizarrement, les choses sont tellement sérieuses là maintenant, le sujet te tient tellement à coeur, que t’en oublies ton envie de la foutre à poil et la découvrir un peu plus de ce côté là.

« Contacte moi dès que t’as un premier truc à me montrer au niveau de la choré. Faisons les choses dans l’ordre. »

Ca rigole pas avec toi quand il s’agit de ton business et elle a dû le remarquer déjà depuis le début de votre « entrevue ». Tu bois une gorgée de ton verre qui est encore à moitié rempli et tu vas vérifier l’heure sur ton téléphone une nouvelle fois. T’as encore une petite demi heure devant toi mais t’as en même temps l’impression que votre conversation touche à sa fin et qu’il serait plus judicieux de filer maintenant avant qu’elle ne change d’avis. Tu commences donc à boire un peu plus rapidement ton verre, mais rien de très significatif.

« Je fais une soirée chez moi jeudi soir. Y’aura du monde du milieu. Je t’enverrai mon adresse et tu te pointes si tu veux. »

Ce sera du business mais surtout beaucoup de fun.