my loneliness is killing me | lexie

La faute au temps de merde probablement, Chris est enroulé dans une polaire avec un pot de glace et une boisson chaude. Oh d’ordinaire, il aurait fait partie de ces gens complètement dingues qui profitent du rafraîchissement pour faire un petit footing énergisant à central park, mais pas aujourd’hui. Sensible aux écarts de températures qui se multiplient ces derniers temps, son humeur suit un peu le même chemin. Pas assez pour aller parler longuement de sa vie parfaite à son psychologue, mais assez pour déplorer l’absence de ses colocataires, et celle de ses perspectives d’emploi par la même occasion. Maintenant que la saison de Grease s’achève, il lui faut de nouveau se jeter dans les auditions. Et pour être tout à fait honnête, il sait que ce sera bien loin d’être aussi évident que pour Danny. Des critiques sur l’interventionnisme de sa famille, Chris les a cumulées cette année, et la dernière chose qu’il souhaite, c’est bien de se voir offrir un rôle sans auditionner parce que son père s’est fait un peu de soucis pour sa carrière. Il a des choses à prouver, à beaucoup de gens. La solitude lui pèse aussi.

Par chance, elle est interrompue par Lexie, dont la vie sentimentale est presque aussi déprimante que la sienne, et qui vient d’apparaître dans le salon. A bien y réfléchir ils ont complètement merdé tous les deux.

- Lexie ? Dis-moi que tu as vu mes messages et que tu es venu me sauver de la dépression et de l’absence d’une nouvelle saison de Stranger Things.

L’art de jouer les drama queen. Chris maîtrise lorsqu’il s’agit d’attirer l’attention de ses colocataires. S’il y a bien quelque chose qu’il déteste, c’est bien d’être tout seul ici dans ce grand appartement. Inutile de dire que c’est pour cette exacte raison qu’il ne vit pas seul son propre appart. Il pourrait se le permettre. Psychologiquement, ce serait une toute autre chose.

Lorsqu’elle a vu le temps déprimant colorer sa chambre d’un gris amer, Lexie a tout de suite annulé les projets de la journée. Hors de question d’affronter le froid presque hivernal et diamétralement opposé à celui d’il y à peine une semaine, surtout pas pour voir ses collègues qui ne sont jamais vraiment devenus des amis. Ses amis, Lexie les a surtout en dehors de sa profession ou bien les connaît depuis tellement d’années que cela n’est pas pareil. Qui aurait envie de passer sa journée avec des célébrités névrosées, il est déjà bien assez compliqué de vivre avec elle-même…

Le plan de la journée ? S’enfoncer dans sa couette avec un pumpkin spice tea, et un nouveau livre, de préférence fantastique pour rester dans le thème d’Halloween. L’idée de s’habiller la dégoûte, elle préfère de loin ce sweat d’homme qui libère encore les effluves de cette personne particulière qu’elle préfère oublier ainsi que le jogging si doux qui lui sert de tenue d’intérieur. On pensera plus tard aux auditions qu’elle devra faire alors que l’envie lui manque. A ce que sa vie va être maintenant que Chicago est terminé. A cette nouvelle page dans sa vie qui se tourne. Les vertiges et l’angoisse ça peut bien attendre. L’idée d’une journée aussi paresseuse que tranquille sonne divinement à ses oreilles … Jusqu’à ce que le smartphone vibre encore et encore. Assaillie sous les textos d’un Chris aussi dépressif qu’elle, Lexie le connaît assez pour n’en pas douter, la blonde finit par se lever, presque de bon cœur avant d’afficher un joli sourire. Tout est réglé entre eux, n’est-ce pas ? Il n’y a donc pas à s’inquiéter.

En deux-trois pas la voilà dans le salon, accueillie par un Chris avachi sur le canapé qui la regarde l’âme en peine, « Mais bien sûûûûr, mon chou. » En prenant l’expression la plus guindée possible, complètement paradoxale vu sa tenue, Lexie s’élance sur le canapé et rejoint l’américain pantouflard. « Je te propose The Chilling Adventures of Sabrrrrina. » Propose-t-elle en imitant l’accent d’un vampire scandinave, très peu convaincant. « Cela ne vaut sans doute pas Stranger Things mais ça reste dans l’esprit d’Halloween. » Sans plus attendre, elle s’empare de la télécommande dans un geste aussi théâtral qu’exagéré, avant de s’arrêter dans son élan. « Enfin on peut discuter aussi ? » Les dents reprennent leur sempiternel travail sur sa lèvre inférieure, « Enfin, tu vois, parler de nos vies malheureuses dans cet automne glacial, les projets pour Halloween ? » S’empresse-t-elle d’ajouter, inquiète à l’idée de créer un malaise, ne voulant surtout pas qu’il pense qu’elle souhaite revenir sur la maladresse de leur dernière véritable conversation, qui n’a jamais eu lieu d’ailleurs :  La dénégation ou l’art que Lexie maîtrise le mieux.